Type et date de soutenanceSoutenance de thèse

The Communities of Moderns. A sociology of political ambivalence in Northern Ireland

Théo Leschevin

Résumé

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L'accord du Vendredi Saint en 1998, en Irlande du Nord, a mis fin à un conflit entre les communautés protestantes unionistes et catholiques nationalistes de Belfast. Depuis, la ville se confronte à des difficultés inattendues, telles que la montée des suicides juvéniles et la reprise d’affrontements de rue. L'origine de ces difficultés est souvent attribuée à la volonté des habitants de reconduire la guerre ou à un manque de soutien de l'État britannique à leur égard. Mais alors que l'État porte une attention croissante à la situation et que des membres des deux communautés prennent part à des initiatives de pacification, comment se fait-il que ces difficultés ne parviennent pas à être surmontées ? À partir d’un terrain ethnographique immersif de plus de deux ans, d’entretiens semi-structurés et d'examen d'archives locales, cette thèse analyse des moments de la vie quotidienne des communautés protestantes et catholiques de Belfast Nord, ainsi que la gestion de problèmes politiques locaux. Elle soutient que les difficultés que rencontrent les habitants de Belfast Nord tiennent non pas à une dynamique de reproduction du conflit ou d’exclusion sociale, mais à la politisation entravée de leurs interdépendances et de ses effets contradictoires.    Dans une première partie, nous montrons, à partir de l’étude de controverses locales sur la hausse des suicides juvéniles et l’émancipation des femmes de leurs communautés, l'importance à développer une approche centrée sur le concept d'ambivalence politique. Cette notion permet de comprendre positivement une double aspiration, partagée par les deux deux communautés, à l’attachement et au détachement communautaire. Ainsi, la tendance à réduire les tensions existantes à des formes de 'résistances' revient à ignorer le fait que ces acteurs tiennent déjà compte des solidarités locales dans lesquels ils sont de plus en plus engagés, tout en cherchant à s’émanciper de leur communauté catholique ou protestante.  Dans une seconde partie, nous montrons que certains acteurs tentent déjà de politiser, et même de réguler l’ambivalence politique qu’une telle situation provoque pour eux. Nous repartons pour cela de l’étude de la gestion de la sociabilité de rue et des relations sportives. La distanciation secondaire dont certains habitants font collectivement preuve pour revendiquer, publiciser et réguler cette ambivalence politique dans des dispositifs d’intégration favorables à son énonciation, met en lumière ses effets les plus contradictoires. Cette politisation trouve néanmoins son point de butée dans les reproches d’hypocrisie, de naïveté ou de manipulation, qu’adressent des acteurs locaux et des commentateurs externes dans ces débats. La prise en compte des interdépendances communautaires s’en trouve réduite à un retour vers le passé, et l’émancipation collective à une dénégation des différences d’intérêts politiques.  Dans un dernier chapitre, nous montrons que la situation de Belfast Nord n’est compréhensible qu’au regard de l’accroissement des chaines d’interdépendances qui prennent forme entre communautés protestantes et catholiques au sein des îles britanniques depuis le début du XIXe siècle. D’un côté, la révolution industrielle et les changements dans les rapports professionnels sont allés avec une plus grande intégration des communautés entre elles, de l’autre, ils ont entrainé une plus grande prise de conscience de leurs différences, précipitant l’émergence d’idéaux Unionistes et Nationalistes. La première dynamique rend la politisation de cette double aspiration de plus en plus désirable, la seconde rend les appuis à cette politisation de plus en conflictuels. Les difficultés locales du processus de paix deviennent explicables en raison du double bind auquel mènent ces évolutions concomitantes. L’État britannique peine à soutenir une plus grande distanciation quant à la façon dont cette double aspiration marque déjà la participation de ces communautés à la modernité politique.

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Jury

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  • M. Yannick Barthe (Directeur de thèse), CNRS
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  • M. Colin Coulter (Directeur de thèse), Maynooth University
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  • M. Dominique Linhardt (Co-Directeur), CNRS
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  • Mme Honor Fagan, Maynooth University
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  • M. Laurent Gayer, CNRS
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  • M. Patrick Le Galès, CNRS
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  • M. Peter Shirlow, University of Liverpool
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  • Mme Isabelle Thireau, EHESS
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