Aude-Marie Lalanne Berdouticq

Post-doctorant.e
Pôle Histoire

Mention « Expériences de guerres, institutions et frontières sociales » :

« L’invention médicale de l’aviateur. L’institutionnalisation de la sélection médicale des pilotes de guerre, France-Royaume-Uni (1914-1934) »

Après un Master à l’École normale supérieure de Lyon, j’ai consacré une thèse à la question de l’aptitude militaire et de la sélection médicale des recrues françaises et britanniques de l’armée de terre pendant la Grande Guerre. J’ai effectué ces recherches au sein de l’Université Paris Nanterre et de la Maison française d’Oxford. Le projet qui m’occupe actuellement est conçu comme un jalon intermédiaire entre ma thèse et un travail plus vaste, qui porterait sur le paradigme biopolitique de la sélection médicale à l’époque contemporaine. J’entends à terme mettre au jour les ressorts d’une vaste culture savante et politique du triage médical, qui existe à différents niveaux dans les sciences et les politiques publiques. Mon travail sur l’aptitude des pilotes jette les bases de ce projet en articulant des réflexions sur le temps de la guerre, sur l’expertise médicale, la conformité à la norme, le corps valide et la performance.

La Première Guerre mondiale est un moment clef de l’invention médicale du pilote de guerre. Au commencement du conflit, les armées française et britannique sélectionnent leurs combattants au cours d’un examen destiné à estimer leur aptitude militaire. Peu de choses sont spécifiquement prévues pour ces soldats d’un genre nouveau que sont les aviateurs, confrontés en plein ciel à des conditions et des exigences fort éloignées de celle des fantassins des tranchées. C’est au cours de la guerre qu’est donné un élan décisif à la médecine aéronautique et que se développent les procédures et les outils de la sélection médicale des pilotes. Le conflit constitue un terrain d’expérimentation médicale et technique d’une ampleur tout à fait inédite dont l’objectif est de dégager au plus vite les critères de l’aptitude des aviateurs et les moyens efficaces de procéder au choix des hommes.

Alors que la sélection médicale de l’armée de terre se caractérise par le caractère expéditif de l’examen ainsi que par l’outillage technique rudimentaire des médecins, les modalités de choix des aviateurs permettent d’envisager le déploiement d’un éventail considérable de technologies de quantification et de notation des capacités humaines. Ces procédures sont mises en application à l’hôpital du Grand Palais à Paris puis dans les écoles d’aviation. Elles sont discutées par la communauté scientifique internationale avant d’être introduites en Grande-Bretagne en 1917.

Au croisement de l’histoire de l’expertise, de l’histoire sociale des sciences et de l’histoire des sociétés en guerre, je me propose de faire l’étude de l’institutionnalisation de la sélection médicale des pilotes de guerre français et britanniques. Faire l’histoire de la définition médicale de l’aviateur permet en effet de relire à nouveaux frais la genèse d’une profession, le rôle et le pouvoir des experts médicaux et l’impact de la guerre sur les pratiques savantes.