Marc-Antoine Sabaté

Post-doctorant.e
Pôle philosophie

Chercheur postdoctorant EHESS « Histoire des idéologies (XXe-XXIe siècles) » (2023-2025)

marcantoine.sabate@gmail.com

Projet de recherche en cours :

« L’écologie politique et l’héritage incertain du projet d’autonomie. Histoire de la formation d’une idéologie : de la nébuleuse libertaire à l’événement Anthropocène »

Présentation :

Diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris (2014), Marc-Antoine Sabaté est docteur en Sciences politiques et sociales de l’Université libre de Bruxelles. Il a soutenu le 23 octobre 2020 une thèse réalisée sous la direction de Justine Lacroix, intitulée « Le revenu de base : renversement ou renouveau du droit social ? Éléments pour une philosophie politique et sociale de l’inconditionnalité » (voir ci-dessous : « Résumé de la thèse »). Lauréat d’un subside postdoctoral de la Fondation Wiener-Anspach, il a effectué durant l’année 2020-2021 un séjour de recherche au sein de la Faculté d’histoire de l’Université de Cambridge. Il a par la suite poursuivi ses recherches comme chercheur associé au Centre de Théorie Politique de l’Université libre de Bruxelles ainsi qu’au CReSPo de l’Université Saint-Louis–Bruxelles, tout en enseignant la théorie politique et l’histoire des idées politiques au sein de différentes universités (ULB, USL-B, Université Catholique de Lille, University of Antwerp). Il est l’auteur de différentes publications consacrées au revenu de base inconditionnel et à la question écologique (voir ci-dessous : « Publications »)

Ses recherches s’articulent au carrefour de la philosophie politique et de l’histoire des idées politiques, suivant une approche méthodologique qui confère à la théorie politique une ambition à la fois généalogique (comprendre le présent par l’interrogation du passé) et normative (articuler à une analyse critique du réel un discours sur ce qui devrait être). Après s’être consacré à l’histoire et aux justifications de la proposition du revenu de base inconditionnel, son travail de recherche postdoctoral se concentre sur le concept d’autonomie, ses usages et son rôle dans l’écologie politique francophone, de la fin des années 1960 à aujourd’hui. Son projet de recherche intitulé « L’écologie politique et l’héritage incertain du projet d’autonomie. Histoire de la formation d’une idéologie : de la nébuleuse libertaire à l’événement Anthropocène », peut être consulté ici.

Résumé de la thèse :

Le revenu de base inconditionnel connaît depuis quelques années un engouement tout aussi croissant qu’inédit. Socle de sécurité matérielle, garanti de manière individuelle, universelle et inconditionnelle, il est présenté comme un instrument de lutte contre la pauvreté mais aussi contre le chômage et le travail subi. Son versement est supposé offrir à chacun une réelle liberté de choix. Longtemps envisagé comme une alternative libertaire aux régulations fordistes, le revenu de base est aujourd’hui le plus souvent défendu comme un potentiel nouveau pilier des systèmes de protection sociale. Pour ses opposants, l’idée n’en témoigne pourtant pas moins d’un projet néolibéral de démantèlement de l’État social.

L’hypothèse de départ de la thèse est que cette controverse ne repose pas seulement sur l’anticipation des conséquences pratiques de sa mise en place (sur la pauvreté, l’emploi ou les finances publiques), mais aussi sur un conflit normatif : comment justifier l’inconditionnalité au sein d’un système de protection qui fonde les droits sociaux sur le travail ? Comment penser un droit au revenu indépendamment du devoir de, et du droit au travail ? La thèse interroge cette injustifiabilité apparente de l’inconditionnalité suivant deux dimensions problématiques.

D’un côté, une généalogie de la question sociale montre pourquoi le revenu de base est demeuré une idée marginale jusqu’à la fin du XXe siècle, et pourquoi il s’est au contraire imposé aujourd’hui comme une alternative possible dans le sillage de l’affaiblissement de l’État social.  Dans l’histoire de la protection sociale, le droit à l’existence émerge avant tout comme un droit à l’existence par le travail. Qu’il s’exprime sous une forme disciplinaire ou sous la forme démocratique d’une citoyenneté sociale, ce droit répond fondamentalement à l’insécurité et au caractère désintégré de la condition salariale. La problématique du droit social est historiquement une problématique de l’intégration : il s’agit d’offrir à chacun une place dans la société. Le revenu de base fait précisément son apparition au moment où ce modèle est remis en question : c’est la « crise de l’État-providence », diagnostiquée au tournant des années 1980. Les justifications du revenu de base sont à cet égard ambigües. D’un côté, elles résonnent avec les politiques d’activation mises en place pour réintégrer les chômeurs et les « exclus ». D’un autre côté, le revenu de base fait son apparition dans le sillage d’un renouveau de la théorie critique et au sein d’« utopies post-salariales » visant à libérer les travailleur∙euses de l’emploi et du marché.

D’un autre côté, une analyse des débats contemporains en philosophie politique souligne à la fois les limites des objections normatives au revenu de base et l’insuffisance des réponses qui y ont été apportées par ses défenseur∙es. Le rejet de l’inconditionnalité s’appuie sur le principe de justice sociale de la réciprocité : nous aurions droits aux bénéfices de la coopération sociale dans la mesure où nous y prenons nous-mêmes notre juste part.  La thèse identifie deux stratégies argumentatives en réponse à cette objection. Une première stratégie contourne l’exigence de réciprocité en posant qu’une grande partie des ressources matérielles et immatérielles constituent un héritage commun, de telle sorte que chacun devrait pouvoir y accéder indépendamment de sa contribution productive. Une seconde stratégie étend la réciprocité en posant que, quelles que soient nos activités, nous contribuons quoiqu’il arrive toutes et tous à la production de richesses sociales. L’argument développé dans la thèse est qu’aucune de ces deux stratégies n’est pleinement satisfaisante et qu’il faut, par conséquent, en proposer une troisième : si la justice comme réciprocité doit être défendue comme perspective idéale, les circonstances non-idéales du monde du travail font qu’il manque aujourd’hui un contexte élémentaire de réciprocité sociale suffisant pour exiger une contribution en échange de l’accès à un revenu minimum. La réciprocité n’est pas à contourner ni à étendre, elle est simplement manquante.

Dans cette optique, la question à poser devient finalement la suivante : le revenu de base peut-il être pensé comme une précondition de la réciprocité et, partant, comme un support pour le renouveau du droit social ? La thèse se conclut par une réponse en deux temps. D’un côté, il est certain que la revendication du revenu de base est une conséquence du renversement du droit social opéré dans le cadre du tournant néolibéral. Même dans ses versions les plus généreuses, son introduction viendrait confirmer et sans doute approfondir le passage historique d’un État social cherchant à organiser les rapports de travail et les service publics à un État qui, de plus en plus, se contente de multiplier les transferts monétaires pour limiter l’ampleur de la pauvreté et créer des incitants sur le marché du travail. D’un autre côté, il n’est pas exclu qu’un revenu de base, articulé à un ensemble cohérent de mesures économiques et sociales, puisse malgré tout contribuer à subvertir ce processus en offrant un support matériel pour le déploiement de pratiques individuelles et collectives aujourd’hui cantonnées au domaine de l’infra-politique, et qui pourraient à l’avenir fournir la matière d’un nouveau droit social.

La conclusion de la thèse est dès lors que, tant d’un point de vue historico-politique que d’un point de vue philosophique, l’inconditionnalité ne peut, suivant la formule du sociologue Alain Caillé, être envisagée que comme un pari. Pari qu’en garantissant à chacun et chacune un socle de sécurité matérielle, le revenu de base encourage la coopération et vienne renforcer et non amoindrir la réciprocité sociale. Mais pari historiquement déterminé par la crise de la solidarité qui affecte les démocraties occidentales depuis la fin du XXe siècle, et qui ne semble valoir la peine d’être tenté qu’à mesure que se réduit par ailleurs l’horizon des possibles politiques.

Publications :

Articles académiques & chapitres d’ouvrages collectifs :

  • « Ambivalence d’une "alternative radicale". Le revenu de base inconditionnel entre démarchandisation et (re)marchandisation du travail », Raisons Politiques, 2023/2, no 90, pp. 83-103 (à paraître)
  • « Une proposition politiquement soutenable ? Stratégie réaliste pour un revenu universel utopique », in Gwendal Châton et Martine Long (dir.), Le revenu universel : une utopie pour le XXIe siècle ?, Boulogne-Billancourt, Éditions Berger-Levrault, 2022, p. 179-196
  • « Activating the Unemployed or Liberating the Employed? Universal Basic Income in the French Welfare Reform Debate », in Peter Sloman, Daniel Zamora and Pedro Ramos Pinto (ed.), Universal Basic Income in Historical Perspective, London: Palgrave Macmillan, 2021, p. 151-180
  • « Revenu de base inconditionnel : quel instrument pour quelle justice fiscale ? Réflexions à partir du cas des « gilets jaunes » en France », Éthique publique, 2019, vol. 21, n° 2
  • « Revenu universel : dépasser le théorème d’impossibilité », Esprit, 2018/3, n°442, p. 128-140

Diffusion des savoirs & interventions dans le débat public :

  • « Crise écologique : inutile de se soulever ? », Esprit, no 501, 2023, no 501 (à paraître)
  • « Comment le revenu universel est devenu de gauche », AOC, 22 mai 2018

Comptes-rendus de lecture :

  • « Florent Guénard, La passion de l’égalité, Paris, Éditions du Seuil, 2022 (Les livres du nouveau monde), 296 p. Index », Revue Française de Science Politique (à paraître)
  • « Frédéric Viguier, La cause des pauvres en France, Paris, Presses de Sciences Po, 2020 », Revue Européenne des Sciences Sociales, 2021, n° 59-2, p. 317-321
  • avec François Denuit (IEE, ULB), « Philippe Van Parijs and Yannick Vanderborght, 2017, Basic Income: A Radical Proposal for a Free Society and Sane Economy, Cambridge, MA: Harvard University Press », Raisons Politiques, 2018/1, n°69, p. 134-140
  • « Michel Lallement, 2015, L’Âge du faire: Hacking, Travail, Anarchie, Paris, Éditions du Seuil », Revue Européenne des Sciences Sociales, 2018, 56(2), p. 282-286

Entretiens :

  • « "Gorz a déconstruit le mythe de la croissance comme condition de justice sociale". Entretien avec Françoise Gollain », Etopia [En ligne], 6 avril 2023
  • « Gorz, l’écologie politique et le monde vécu. Entretien avec Christophe Fourel », Etopia [En ligne], 8 février 2023

Organisation de conférences & activités académiques :

20/12/2023 Quelle autonomie dans le travail ? Par les marges ou par le centre, saisir l’aliénation et l’émancipation aujourd’hui, colloque à l’Université libre de Bruxelles co-organisé avec Luna Morcillo (Centre de Théorie Politique)

[informations à venir]

13/10/2023 « Autonomie et écologie : retour sur la "rencontre manquée" entre Cornélius Castoriadis et André Gorz », panel organisé dans le cadre des Rencontres de l’Écologie Politique du think tank Etopia

[https://rep.etopia.be/ateliers/]

8-9/11/2022 Souveraineté(s) et territoire(s) à l’épreuve des nouveaux conflits géo-sociaux, colloque à Sciences Po Paris co-organisé avec Clémence Nasr, Alexandre Escudier et Janie Pélabay (CEVIPOF) [https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/actualites/souverainete-s-et-territoires-l-e-preuve-des-nouveaux-conflits-ge-o-sociaux.html]

26/11/2021 De Milton Friedman à Thomas Piketty : histoire et actualité de l’impôt négatif, journée d’Étude à l’Université libre de Bruxelles co-organisée avec Pierre-Étienne Vandamme (Cevipol).

[https://cevipol.centresphisoc.ulb.be/fr/evenement/de-milton-friedman-thomas-piketty-histoire-et-actualite-de-limpot-negatif]

depuis 2019 Membre fondateur et membre du comité organisateur du cycle de séminaires Rendre le Vivant Politique (REVIP), Université libre de Bruxelles

[https://repi.centresphisoc.ulb.be/fr/recherche/revip]