Dylan Guével

Doctorant.e
Pôle philosophie

Sous la direction de Pierre-Henri Castel, je mène une thèse de philosophie qui porte sur la paranoïa. Ce travail se propose d’examiner la disparition récente du diagnostic de paranoïa en interrogeant les problèmes d’histoire de la psychiatrie à la lueur d’une hypothèse dont les implications sont plus vastes : la paranoïa aurait constitué le ressort, à l’époque moderne, de la naturalisation de la déraison, celle-ci étant ainsi rapportée à une constitution individuelle. Or cette naturalisation se confronte immédiatement à plusieurs problèmes qui, malgré leur diversité, sont solidaires :

1. Comment penser une folie dont les « délires » peuvent être vrais et même, dans certains cas, géniaux, dont les malades sont « compréhensibles », et dont les idées et élans sont parfois adoptés par des esprits « normaux » ?

2. Quelle place faut-il faire, dans l’usage normal de la raison, aux passions et aux affects ? Que faire de ces cas où c’est une exigence de raison (par exemple la justice) qui devient l’objet d’une passion ardente, jusqu’à la folie ?

3. Peut-on rapporter la paranoïa à ce que le paradigme individualiste moderne suppose quant à l’autorité subjective des individus à propos de la vérité et de la justice, à la légitimité de la passion et de la certitude subjective, à l’affirmation de son « bon droit » contre l’ordre du monde, les conventions, voire l’évidence ?

Ce travail se donne donc pour tâche de faire travailler ensemble a) logique, psychologie et rhétorique du raisonnement, b) philosophie morale et de l’action, c) histoire et épistémologie de la psychiatrie, et d) sociologie historique des normes et du rapport des individus aux institutions dans la modernité, pour proposer une interprétation généreuse de la paranoïa : elle serait une voie possible, bien que loin d’être la plus courante, pour un individu, de répondre aux exigences et aux idéaux des sociétés modernes quant à ce que doit être une personne, et ce qui constitue une bonne raison de revendiquer son droit subjectif inaliénable.

J’espère également pouvoir articuler ce travail de philosophie à une inscription dans des terrains hospitaliers et par-là aux problématiques anciennes et nouvelles qui s’y posent à propos de la prise en charge pratique et, potentiellement, du soin autour des paranoïaques.