Asmaa Martah

Asmaa Martah

Doctorant.e
Pôle sociologie
Laboratoire interdisciplinaire d’études sur les réflexivités - Fonds Yan Thomas

asmaamartah@gmail.com

Champs de recherche

Sociologie de la modernité - Sociologie économique - Sociologie des controverses - Sociologie des pratiques numériques

Présentation de la thèse

La thèse que nous préparons sous la direction de Cyril Lemieux prend pour objet le processus de modernisation des pratiques financières au Sénégal, dans un contexte de montée en puissance de la « finance inclusive ». Ce nouveau paradigme, largement promu par le FMI et la Banque mondiale, laisse figurer parmi ses principaux piliers le mobile-banking, dont le succès récent au Sénégal, à l’instar des pays d'Afrique subsaharienne, contraste avec la faible pénétration des services financiers conventionnels parmi ces populations. Dans une situation où l’activité économique est largement informelle, le mobile-banking se démarque en effet de la finance conventionnelle au biais d'une relation originale entretenue à l’informalité, davantage définie par une recherche de compromis que par une volonté d'éradication. Si néanmoins le cas du mobile-banking est le plus évident aujourd'hui en Afrique subsaharienne, il n'est pas le seul à avoir remis en cause le lien que la finance conventionnelle entretient aux spécificités locales des pays où elle s'implante. La finance islamique, théorisée dès les années 1950 et lancée au Sénégal dès le début des années 1980, s'inscrit dans la même veine lorsqu'elle prend en compte la proscription du prêt à intérêt et de la spéculation par la loi islamique, au sein d'un modèle d'intermédiation bancaire dit « à taux zéro ». De même, la microfinance et les modèles d'épargne rotative, en essor depuis les années 1980, invitent à miser sur l'encastrement relationnel de l'activité économique, en instituant les solidarités interpersonnelles, la parole donnée et l'honneur comme garanties financières.

Notre hypothèse est que ces modèles de finance alternative ont en commun de revaloriser comme ressources de modernisation ce qui est considéré comme des obstacles à « l’émergence » économique par le dogme développementaliste et le schéma misérabiliste/évolutionniste qui le caractérise. Ce serait à l'inverse en activant une vision populiste/exceptionnaliste que les promoteurs de modèles financiers alternatifs tendent à faire de l’informalité, de la Charia ou de l'encastrement relationnel de l'activité économique, des leviers et non plus des freins à la modernisation. Le « conflit de modernités » (Lemieux, 2018) qui en résulte constituera un point d'entrée privilégié pour examiner la manière qu'ont les acteurs de faire tenir ensemble des aspirations à la modernité d'un côté et les spécificités culturelles de l'Afrique et des mondes musulmans de l'autre. Dès lors, l’une des ambitions poursuivies par cette thèse sera de contribuer au dossier wébérien des liens entre ethos culturel et capitalisme, et ce au moyen d'un détour par les réflexivités collectives produites à l'occasion des transformations du marché financier.

Cette thèse bénéficie du financement du laboratoire SENSE d’Orange Labs, dans le cadre d'une CIFRE.

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