Type et date de soutenanceSoutenance HDR

Au tribunal de l'évêque. Essai de micro-histoire judiciaire (Pistoia, 1287-1301)

Arnaud Fossier

Soutenance d'habilitation à diriger des recherches d'Arnaud Fossier (Université de Bourgogne-LIR3S & LIER-FYT)

Mémoire inédit : "Au tribunal de l’évêque. Essai de micro-histoire judiciaire (Pistoia, 1287-1301)"

Membres du jury : 

  • Cécile Caby, professeure d’histoire médiévale à Sorbonne Université
  • Marta Madero, professeure émérite d’histoire à l’Universidad de Buenos Aires
  • Sara McDougall, professeure d’histoire au John Jay College of Criminal Justice (City University of New York)
  • Charles de Miramon, directeur de recherche au CNRS – Institut d’histoire du droit
  • Julien Théry (garant), professeur d’histoire médiévale à l’Université Lumière Lyon 2
  • Massimo Vallerani, professeur d’histoire médiévale à l’Università degli studi di Torino

Résumé : 

Cette enquête se fonde sur un dossier d’archives judiciaires toscan de la fin du XIIIe siècle, aujourd’hui conservé à l’Archivio di Stato de Florence. Composé de quatre registres d’environ 200 folios chacun, il ne contient pas moins de quatre-vingt procès, jugés par l’évêque de Pistoia ou par son « vicaire général » entre 1287 et 1301. Il permet donc de mieux comprendre le fonctionnement d’un tribunal ecclésiastique à la fin du Moyen Âge et d’interroger la place qu’occupe le droit dans le gouvernement de l’Église. Mais ce qui se révèle également au miroir de ces procès, ce sont les normes de différents groupes sociaux – qu’elles soient celles de la communauté villageoise face au prêtre délinquant, celles des habitants de la cité face à l’usurier public, ou celles de la parenté de l’épouse qui veut divorcer d’un mari violent ou impuissant. Autrement dit, certaines des institutions médiévales les plus fondamentales – mariage, crédit, ou propriété – se voient ici éclairées d’un nouveau jour, sur un territoire aussi resserré que l’est la période étudiée.

Sont examinés successivement les compétences des tribunaux ecclésiastiques et leurs objectifs (chap. 2 et 3), les stratégies judiciaires des acteurs ordinaires et leurs usages du droit (chap. 3), le voisinage et la promiscuité des clercs et des laïcs (chap. 4), l’emprise sociale et foncière du clergé (chap. 5), l’économie du crédit en milieu rural (chap. 6), et la place du mariage dans la structuration des rapports sociaux (chap. 7). À défaut de « grand récit », ou plutôt faute de pouvoir en produire un à partir de sources aussi maigres, nous tentons une approche micro-historienne de chacun de ces phénomènes et faisons de ces procès le laboratoire, en même temps que le révélateur, de certains processus à l’œuvre dans la société médiévale, en particulier ceux d’une acculturation croissante de la société au droit et d’un affaiblissement du magistère de l’Église.

À la fin du XIIIe siècle, l’Église garde certes le contrôle du mariage (encore qu’en Italie, le notariat prenne une part croissante dans la contractualisation de ce dernier), mais aussi du clergé (comportement, charges et revenus), mais le jeu politique et les transactions économiques lui échappent de plus en plus. C’est peut-être d’ailleurs ce qui explique qu’elle se raidisse au plan juridictionnel et tâche de retrouver de sa superbe dans les affaires qu’elle est encore autorisée à juger. Notaires, juristes, seigneurs, marchands, artisans ou encore paysans, vivent la plupart du temps hors du contrôle ecclésial, et leur monde, soumis à d’autres règles que celles de l’Église, continue d’exister en dehors du procès et hors du tribunal. L’Église n’a donc d’autre choix que de s’imposer de plus en plus de l’extérieur, à une société « civile » elle-même en voie d’autonomisation.

Mais dans un monde en mutation, où le féodalisme s’efface et où s’invente une part de la modernité politique, l’Église reste tout de même ancrée dans le tissu économique et social des villes et de leur contado : à la fois parce que prêtres et laïcs se côtoient au quotidien – au prix de fréquents litiges et conflits dont rend compte cette recherche –, mais aussi parce qu’en instituant la « commune renommée » (ou fama) et en lui accordant une importance décisive au tribunal, elle se donne le moyen de pénétrer les communautés d’habitants, d’en maîtriser les remous, et peut-être au fond de déterminer qui appartient au corps social et qui doit en être exclu.

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