Aleksandr Lutsenko

Aleksandr Lutsenko

Chercheur.e associé.e
Pôle sociologie
Collège universitaire français de Moscou

a.loutsenko@yahoo.fr

Je suis assistant de sociologie au Collège universitaire français de Moscou depuis septembre 2019. Ma thèse de sociologie, soutenue le 20 décembre 2018 à l'EHESS, devant un jury composé de Françoise Daucé (EHESS), Florence Delmotte (université Saint-Louis à Bruxelles), Gilles Favarel-Garrigues (Sciences Po), Jean-Philippe Heurtin ('université de Strasbourg), Cyril Lemieux (EHESS, directeur de la thèse) et Louis Quéré (CNRS-EHESS) s'intitule "(In)soumissions en direct. Enquête sur la production d’une autorité "absolue" du chef de l’Etat dans la Russie contemporaine (1990-2018)".

Présentation de la thèse

Comment se constitue un pouvoir politique réputé "absolu" là où dans la séquence historique immédiatement antérieure le chef de l’Etat ne jouissait pas d’une position prééminente, et où au contraire s’observaient entre lui et les autres membres des élites de faibles écarts statutaires ? Norbert Elias avait placé cette énigme au cœur de ses réflexions dans La société de cour. L’ambition de cette thèse est de la reprendre à partir d’un tout autre contexte socio-historique et sur une temporalité plus courte : en s’inspirant de la démarche éliasienne mais aussi de la sociologie pragmatique et de certains apports de l’ethnométhodologie, il s’agit de comprendre, d’une manière sociologique, comment, en l’espace d’à peine deux décennies, un rapport de domination politique particulièrement marqué a pu s’instaurer en Russie entre le chef de l’Etat et les magnats de l’économie. Pour répondre à cette question, la thèse se centre sur une forme particulière de cérémonial où la déférence à l’égard du chef de l’Etat peut être observée publiquement - les interviews télévisées avec des membres des élites économiques - et développe trois arguments. Fondé sur l’analyse d’un corpus d’émissions diffusées sur la chaîne de télévision publique Rossiya 24 et sur celle, « indépendante », Dozhd, aussi bien que sur les entretiens « exégétiques » avec les intervieweurs de deux chaînes, l’enquête démontre que la domination du chef de l’Etat repose pour une part essentielle sur la croyance collective, partagée au sein des élites, en un ensemble de règles – le pacte – qui prescrivent de quelle façon il convient de traiter la personne du Président dans l’espace public. La thèse montre ensuite la place centrale qu’occupent les médias dans la reproduction de l’ordre politique aujourd’hui en Russie. Ceux-ci se présentent comme le théâtre où se constitue la croyance des élites dans le pouvoir « absolu » du président. Afin de le montrer la thèse étudie, à l’aide d’entretiens réalisés avec les journalistes et les responsables des deux chaînes de télévision concernées, le dispositif matériel et organisationnel de ces chaînes. Finalement, à travers l’analyse d’un corpus de données de presse et de documents audiovisuels, la thèse montre que l’effort de soumission au chef de l’Etat, que les membres des élites économiques russes manifestent de plus en plus nettement dans certaines situations publiques à partir des années 2010 s’explique par la transformation de la sensibilité et de l’habitus psychique propre au groupe social des oligarques – transformation elle-même liée à l’évolution de la « balance des pouvoirs » au sein des élites au cours de la décennie 2000. Selon cette perspective, le spectacle médiatique de la soumission des magnats résulte d’abord d’une tentative d’insoumission de leur part qui, si elle n’aboutit pas, les conduit au moins à affirmer, par une certaine attitude résistante du corps, l’enjeu d’être authentique. Dans cet état corporel d’insoumission il en va moins d’une révolte contre le détenteur de l’autorité politique que d’une révolte contre les autocontraintes qu’imposent à tout membre des élites les interdépendances dans lesquelles il est pris.

Enseignements

J'ai été nommé assistant de sociologie au Collège universitaire français de Moscou en septembre 2019. Auparavant, j'ai enseigné "Les méthodes en sociologie" dans ce collège (2018-2019) et ai participé à l'encadrement du stage de terrain des étudiants de première année (2018 et 2019). Je suis également membre, depuis 2018, de l’équipe d’organisation du séminaire de sociohistoire "Espace public : mobilisations, engagements, appartenances" au Centre des études franco-russes de Moscou.

Publication

Aleksandr Lutsenko, « “Why Go on a Program and Answer in General Terms?” TV Interviews as a Mechanism for the Reproduction of the Political Order », Laboratorium, 2017, vol. 9, no 2, p. 82-111.

Communications

Aleksandr Lutsenko, « Otslezhivanie naruchenii kak metod dostizhenia prakticheskih tselei: pravila rechevogo vzaimodejstvia i zhurnalistskaia rabota v televizionnom interv'u ». Conference Development Vectors of Modern Russia 2018, Polomka I remont vo vzaimodejstvii s tehnologiami: etnometodologicheskaia perspektiva, The Moscow School of Social and Economic Sciences, 21 avril 2018,

Aleksandr Lutsenko, « Trudnosti perevoda : Kak informatsionnie agentstva proizvod’at novosti iz interv’u s ofitsialnimi istochnikami », workshop, Pratiques journalistiques en Russie dans un contexte de transformations politiques et technologiques, Centre des études franco-russes, Moscou, 18 septembre 2017.

Aleksandr Lutsenko, « Interviewing Styles on State-Controlled and Non-State-Controlled Channels in Russia: Disparity or Interdependence? » 5th annual conference Comparative Media Studies in Today’s World, Media Transformations in Times of Technological Boom and Political Polarization, Saint Petersburg State University, 12 avril 2017.

Aleksandr Lutsenko, « L'élite économique russe (les "oligarques") à l'épreuve de l'interview télévisée », séminaire de Françoise Daucé, Médias et pouvoir, de l'URSS à la Russie, EHESS, 11 décembre 2015

Aleksandr Lutsenko, « Les oligarques en direct : mobiliser l’analyse de conversation comme dispositif de description pour l’étude d’interviews télédiffusées », Rencontres Annuelles d'Ethnographie 2015, Ethnométhodologie, analyse conversationnelle et ethnographie : des affinités sélectives ?, EHESS, 15 octobre 2015.

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