Matthieu Ruffet

Matthieu Ruffet

Doctorant.e
Pôle sociologie
Laboratoire interdisciplinaire d'études sur les réflexivités - Fonds Yan Thomas

matthieuruffet78@gmail.com

Présentation

Notre thèse de sociologie, sous la direction de Cyril Lemieux, porte sur l’étude de la rencontre de deux jeunesses que tout semble opposer socialement : celle de Trappes et celle de Versailles, deux villes du département des Yvelines distantes d'une dizaine de kilomètres. Nous étudions les scènes sociales et les interactions entre les groupes en examinant, au travers d’un travail ethnographique approfondi, comment les acteurs eux-mêmes problématisent et "expérimentent" le rapport entre les communautés.

La constatation initiale est celle de l’existence d’une acculturation, étonnante et vraisemblablement paradoxale au regard des écarts culturels et historiques de deux espaces urbainsséparées d’une dizaine de kilomètres seulement. Comment expliquer que certains groupes sociaux issus de ces deux mondes si différents, parviennent à interagir de manière suffisante pour provoquer entre eux une certaine acculturation ? Qui plus est, le fait étonnant est de constater que la logique d’acculturation se fait ici davantage « du bas vers le haut », où les Trappistes se retrouvent finalement dans une posture inédite d’influenceur normatif.

Imiter, au risque d'être rejeté et/ou rappelé par les groupes sociaux. Il s’agit là d’éclairer ce qui semble correspondre à une double prise de risque conscientisée par les acteurs : s’encanailler au risque de sanctions venant tant des groupes d’appartenance que de ceux de référence, amenant notamment à un certain nombre de d’épreuves que nous étudierons.

Notre approche sera qualitative, l’arsenal empirico-conceptuel mobilisé prendra sa source directement au sein de la sociologie pragmatique. Nous nous référerons également à l’approche goffmanienne des relations sociales et de la mise en scène de la vie quotidienne, à l’heure où les réseaux sociaux numériques constituent une sorte d’espace de prolongement du réel pour les acteurs.

Au cours de cette thèse de la rencontre incongrue, un certain nombre de thématiques seront abordées – notamment, celles des échanges économico-sexuels, du rapport au religieux, à l’art et à la culture. Mais la question centrale que nous traiterons tient à ce qu’on pourrait appeler la puissance normative des classes populaires. L’enjeu de l’étudier nous paraît double : 1) contre l’idée que la diffusion culturelle va forcément du haut (de la société) vers le bas. La casuistique ici examinée indique l’existence de mouvements contraires qui, en l’occurrence, placent les membres d’un groupe issu des classes populaires – les jeunes Trappistes – dans une position, qui est inédite pour eux, de supériorité symbolique à l’égard d’un groupe issu des classes moyennes-supérieures – les jeunes Versaillais « encanaillés ». Il s’agira de comprendre les logiques de ce processus d’inversion symbolique, la façon dont il est reçu par les jeunes Trappistes et les limites qu’il rencontre notamment visibles durant les interactions (intra et inter groupes).

2) contre l’idée que la diffusion culturelle se fait librement et sans entraves. Le cas ici examiné doit nous permettre de comprendre l’importance des forces de rappel qui, dans chaque groupe (Trappistes autant que Versaillais), limitent les possibilités de s’approprier des éléments culturels venus de l’autre groupe. Il s’agira de comprendre en quoi ces sanctions et forces de rappel conduisent à une limitation des échanges entre membres de classes sociales différentes mais aussi en quoi ces échanges, lorsqu’ils ont lieu, modifient ces forces de rappel et accroissent la réflexivité dont les individus peuvent faire preuve vis-à-vis des normes de leur propre groupe d’appartenance.

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