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La formation contrariée d'un groupe social: les auteur.es de BD

Soutenance de la thèse de Pierre Nocérino (LIER-FYT) intitulée "Les auteurs et autrices de bande dessinée. La formation contrariée d'un groupe social".

La formation contrariée d'un groupe social: les auteur.es de BD

Soutenance de la thèse de Pierre Nocérino (LIER-FYT) intitulée "Les auteurs et autrices de bande dessinée. La formation contrariée d'un groupe social".

Vendredi 27 novembre 2020 - 9h-13h - En distanciel.

Pour assister à la soutenance (en distanciel), merci d’envoyer un mail à l’adresse suivante: pierre.nocerino@gmail.com

Membres du jury: Cyril Lemieux (LIER-FYT, directeur de la thèse) - Sylvain Lesage (Université de Lille) - Arnaud Mias (Université Paris-Dauphine) - Erik Neveu (IEP de Rennes) - Gwenaële Rot (IEP de Paris) - Bénédicte Zimmermann (EHESS).

Présentation, en bande dessinée, de la thèse: document à télécharger ci-dessous.

Résumé: Quoique son apparition remonte au XIXe siècle, et que son activité génère chaque année un chiffre d’affaire évalué – dans le cas français – à plus de 510 millions d’euros, le métier d’auteur/autrice de bandes dessinées demeure parmi les plus méconnus, tant du grand public et des pouvoirs publics que des chercheurs et chercheuses en sciences sociales. De surcroît, il n’a aucune existence légale, ne figurant en tant que tel ni dans les textes juridiques, ni dans les nomenclatures administrative et fiscale. C’est ainsi que pour obtenir des droits sociaux, les personnes qui réalisent des bandes dessinées sont obligées de se rattacher à d’autres professions que la leur. Ces dernières années, cependant, des professionnel.les de la bd ont cherché à faire entendre dans l’espace public, et à faire reconnaître par les pouvoirs publics, des problèmes qu’ils/elles jugent grever en propre leur activité : précarité économique, souffrances au travail, sexisme, manque de reconnaissance sociale, statuts juridiques et fiscaux inadaptés… Certain.es d’entre eux/elles se sont dès lors engagé.es dans la transformation de leur communauté de métier en un groupe professionnel à part entière, avec l’espoir que sa spécificité et son autonomie soient reconnues par l’Etat. Mais cette démarche se heurte à des obstacles, beaucoup d’auteurs et d’autrices de BD se montrant sceptiques, sinon réticents, à l’idée d’une organisation et d’une régulation collectives de leur activité.

La première ambition de cette thèse aura été de lever le voile sur un métier qui demeure généralement dans l’ombre et sur la réalité de son quotidien. En entrant dans les ateliers de ceux et celles qui le pratiquent, en assistant à leurs échanges journaliers et en les suivant dans ces lieux essentiels pour eux/elles que sont les festivals, on a tenté de comprendre les conditions et les logiques de leur travail, à l’heure de sa numérisation. Il est alors devenu possible de repousser les préjugés en vertu desquels, au regard des œuvres qu’il produit, le monde de la BD ne saurait être qu’un univers professionnel « souriant » et « amusant ». Mais on a été conduit, également, à se distancier des discours misérabilistes selon lesquels, à l’inverse, ce monde serait un « enfer », où triomphe l’auto-exploitation, la compétition sans frein et l’ubérisation de la production culturelle. Notre perspective a plutôt consisté à comprendre en quoi ces descriptions contrastées trouvent leur appui dans certains aspects des pratiques, et comment elles interviennent dans l’interprétation que les acteurs eux-mêmes donnent aux épreuves inhérentes à leur travail.

La seconde ambition de cette thèse aura été de comprendre pourquoi le métier d’auteur/autrice de BD reste si mal connu. Cela revenait à se demander pour quelles raisons il ne parvient pas à se représenter publiquement. A cet effet, nous avons suivi plusieurs collectifs d’auteurs et/ou d’autrices tentant de conférer à leur profession une forme d’unité et de visibilité. Nous nous sommes efforcés de comprendre comment, dans l’action de ces collectifs, des problèmes liés au travail et des modes d’attribution de la responsabilité parvenaient à faire l’objet d’une forme de généralisation et de politisation, quand d’autres au contraire prenaient la voie d’une relativisation et parfois même, d’un retournement des responsabilités vers les plaignants eux-mêmes. Ces analyses nous ont conduit à défendre l’idée que les difficultés des auteurs/autrices de BD à construire des revendications collectives et à donner à leur groupe professionnel une existence politique tiennent avant tout aux formes spécifiques que prend parmi eux/elles la division du travail et la solidarité qu’elle induit. Pour comprendre la limite rencontrée par certains  processus critiques au sein du milieu professionnel considéré, il faut, en d’autres termes, en revenir à la structuration des rapports de travail et au type de relations et de normes qu’elle favorise ou qu’au contraire, elle rend plus difficiles. Cette grille d’analyse, qui consiste à articuler sociologie de la mobilisation et sociologie du travail, peut dès lors être appliquée sur la longue durée : une telle rétrospection permet de comprendre la difficulté persistante que le métier d’auteur/autrice de BD (à l’instar d’autres sans doute, qui partagent ses caractéristiques) a rencontrée, depuis sa naissance, pour se constituer politiquement. Mais elle permet aussi d’interpréter les moments de son histoire où cette constitution politique a commencé à s’élaborer et partant, elle conduit à mieux comprendre les conditions qui seraient aujourd’hui nécessaires pour que cette constitution ait pleinement lieu.

Mots clés : Ethnographie du travail - Sociologie de la mobilisation - Groupes professionnels- Processus de politisation - Précariat.

En savoir plus sur Pierre Nocérino.

Consulter son blog consacré aux rapports entre sciences sociales et BD.

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