Comptes rendus des séminaires - Gildas Salmon

2018-2019

La philosophie politique face à la question sociale : vie et mort de l'État providence

Gildas Salmon (LIER-FYT)
Julia Christ (LIER-FYT)
Pierre Charbonnier (Sciences Po)
Florence Hulak (Université Paris 8 & LIER-FYT)

Présentation :

L'essor des politiques libérales s'est historiquement accompagné de l'émergence de la « question sociale », soit de l'impératif de réélaboration politique de la solidarité collective que celles-ci menacent de dissoudre. Mais là où le libéralisme a suscité une abondante réflexion théorique, tant de la part de ses défenseurs que de ses détracteurs, les politiques de protection sociale n'ont pas fait l'objet d'une même élaboration philosophique. Pourtant, l'existence même de l'État moderne est prise dans une oscillation permanente entre des phases de réduction de ses missions régulatrices et des phases d'accroissement de son rôle protecteur, ou dirigiste.

Comment rendre raison de cet écart entre pratiques politiques et réflexion philosophique ? Ce séminaire fait l'hypothèse qu'il résulte notamment de l'insuffisante prise en compte des sciences sociales par la philosophie politique. Cette dernière s'est en effet d'abord posé la question des alternatives radicales au libéralisme, là où les  pratiques politiques ont surtout historiquement pris la forme de correctifs, de teneurs diverses, au libéralisme. À l'inverse, les sciences sociales se sont d'emblée confrontées à l'existence de ces politiques, en tant qu'elles constituent des tentatives de réponse à la question sociale dont ces sciences sont elles-mêmes issues. En France, par exemple, les travaux de Pierre Rosanvallon ou de Robert Castel accompagnent étroitement les transformations de l'État-providence.

On se demandera en quelle mesure une philosophie politique ancrée dans les sciences sociales est en mesure d'éclairer ces politiques et depuis quelles normes elle est en mesure de le faire, ce qui permettra alors de s'interroger sur les conséquences sociales et politiques de leur possible disparition. Pour cela, le séminaire cherchera à dégager les implications théoriques de l'État social à partir de ses différentes formes historiques et sociologiques.

2019-2020

Pas de séminaire.

2020-2021

Pas de séminaire.

2021-2022

Pas de séminaire.

2022-2023

Savoirs du dehors : épistémologie, histoire, critique

Gildas Salmon (LIER-FYT)
Anoush Ganjipour (Centre Jean Pépin)
Elad Lapidot (Université de Lille)

Présentation :

Le séminaire a pour objet d’examiner ensemble trois types de réflexivité produits à partir de la rencontre des sciences sociales modernes avec les régimes de savoir qualifiées de « non-modernes ».

1) Depuis le XIXe siècle, le savoir occidental se caractérise par une volonté d’ouverture vers ce qui formait son dehors. Revendiquant une vocation universelle, les sciences sociales modernes ont effectué un mouvement théorique double. D’une part, elles ont voulu inclure, en tant qu'objets de connaissance, des individus, des sociétés ou des cultures non-occidentales. Mais d'autre part, elles ont aussi voulu tenir compte des autres savoirs ou régimes épistémologiques (qualifiés privativement comme « non-modernes » et « non-occidentaux »), et les intégrer afin de se donner un caractère englobant et absolu. Sur le plan pratique, cette ambition universaliste est indissociable de l'expansion coloniale de l'Europe : la volonté d’ouverture du savoir sur des sociétés « autres » s’est ainsi articulée avec la volonté de gouverner ces « autres ». C’est à partir de cette articulation qu’une série de nouvelles disciplines ont vu le jour qui, à leur tour, ont exercé un impact considérable sur l'affirmation des sciences sociales modernes et leur épistémologie tout au long des XIXe et XXe siècles : l’histoire des religions, l’orientalisme, la grammaire comparée, l’ethnologie etc.

2) La rencontre des modernes avec les cultures non-occidentales a produit un effet épistémologique inverse à l’intérieur de ces cultures : chez les populations autochtones, elle a déclenché une volonté analogue d’ouvrir leur savoir à l’épistémè moderne conçue précisément en tant que leur « dehors ». Une telle volonté semble comprendre à son tour trois aspects : a) développer un savoir sur les modernes ; b) intégrer les sciences sociales des modernes dans les traditions intellectuelles des « non-modernes » ; c) ces deux démarches ont été ici aussi conditionnées par le colonialisme, mais dans une configuration politique inverse, définie par le gouvernement et la domination que les modernes imposaient aux populations colonisées (le gouvernement exercé par les « autres » sur « nous »). Les répliques des penseurs indiens, musulmans, japonais ou chinois, ou encore celles des penseurs juifs européens aux sciences sociales et à la métaphysique modernes doivent être analysées et réévaluées dans cette perspective.

3) À partir de la seconde moitié du XXe siècle s’est développée, au sein des sciences sociales modernes, une approche critique du rapport que celles-ci ont entretenu avec leur dehors. Sous ses variantes discursives post-coloniales ou post-orientalistes, cette approche s’interroge précisément sur les conditions historico-politiques auxquelles les sciences sociales modernes ont pu faire des « autres » leur objet, ou subsumer leurs régimes de savoirs sous le leur. Elle met ainsi en question le lien entre les fondements épistémologiques ou métaphysiques de ces démarches d’une part et, de l’autre, la domination coloniale et l’idéologie du progrès qui a historiquement sous-tendu une telle domination. L'enjeu est de parvenir à déconstruire l'universalité et l'objectivité revendiquées par la « raison occidentale », et de lui rendre ainsi son caractère foncièrement situé, et intéressé.

L'étude comparative de ces trois dynamiques épistémiques et politiques a pour enjeu de comprendre comment la confrontation avec le dehors a opéré une problématisation mutuelle des savoirs, et a donné lieu, des deux côtés, à une mutation épistémologique qui ne peut être comprise que de manière relationnelle.

Dans ce séminaire mensuel, nous réunirons des spécialistes de l’épistémologie des sciences sociales modernes, des aires culturelles, ainsi que des historiens pour aborder à chaque fois l’un des aspects de notre thématique générale. Chaque séance se déroulera sous forme d’une intervention commentée par un discutant, suivie par la discussion avec les étudiants et le public.