Comptes rendus des séminaires - Emmanuel Saint-Fuscien

2018-2019

Acteurs, institutions et interactions : ce que la guerre transforme

Emmanuel Saint-Fuscien (LIER-FYT)
Julien Blanc (LIER-FYT)

Compte rendu :

La guerre change-t-elle quelque chose dans les rapports que les individus entretiennent avec leurs institutions ? L’engagement dans la guerre et les formes de violence qui en découlent – particulièrement la possibilité de tuer ou d’être tué – entraînent-ils un bouleversement des rapports de domination, des hiérarchies sociales, des interactions et des embranchements qui s’offrent aux acteurs ? Provoquent-ils un élargissement des choix de trajectoires ou au contraire une contraction des possibles ? Enfin, peut-on établir une typologie de ces bouleversements en décloisonnant chaque expérience guerrière pour la confronter à d’autres ? Voici quelques-unes des questions explorées dans notre séminaire.

Après avoir fixé les cadres de la recherche dans la séance introductive nous avons consacré la seconde séance à un retour sur l’historiographie de la Première Guerre mondiale de 1977 à 2017 (90 ouvrages ou articles) au regard de la question et de la proposition du consentement des acteurs. La troisième séance fut consacrée aux mutations des normes de l’engagement au cours de l’occupation allemande en France lors de La Seconde Guerre mondiale. Un changement d’échelle fut proposé dans la séance du 14 janvier : une micro-histoire de l’agencement au temps de la Grande Guerre à travers le cas du couvreur Louis Marie (1912-1925) a permis d’analyser les multiples formes de mutation des institutions (hôpital, justice, armée) et – en parallèle – des modalités de résistance, d’accommodement ou de refus qui s’y déploient. La séance suivante fut consacrée aux lectures sociologiques du phénomène guerrier (Cyril Lemieux, LIER-FYT) et à une tentative d’élaboration d’une grammaire des règles de vie en temps de guerre. Poursuivant l’impératif du changement d’échelle imposé cette année, la séance du 28 janvier fut de nouveau consacrée à une micro-histoire de l’agencement en temps de guerre au regard du cas de la journaliste Madeleine Gex-le-Verrier entre 1939 et 1945. C’est une lecture collective et croisée (deux textes courts de Bernard Lahire et de Pierre Laborie) autour des contextes d’action qui fut l’objet de notre septième séance. Deux étudiants de master 2 ont ensuite présenté leurs recherches en cours : Ugo Pagani (« L’écriture fasciste de la Grande Guerre ») et Akhésa Moummi (« De la centralité de la guerre civile dans la transformation du rapport aux institutions scolaires au Liban »). C’est également à la transformation de l’institution scolaire en temps de guerre que fut employée la 9eséance à travers des exemples dans l’Europe belligérante de la Grande Guerre (France, Allemagne, Grande Bretagne). La séance 10 fut dédiée à l’œuvre du britannique Harry Roderick Kedward, l’un des premiers historiens de l’action en guerre à avoir mobilisé les Subaltern studies et l’anthropologie. Au cours de l’avant dernière séance deux autres travaux d’étudiants furent exposés : « Athanase Seromba et la paroisse de Nyange dans le génocide des Tutsi » (Thimothée Brunet-Lefevre) et « l’imaginaire de la légion étrangère à travers ses chants » (Arnaud Trimouille). Enfin, la dernière séance de l’année s’est intéressée à l’indétermination des comportements en temps de guerre à travers l’analyse du célèbre film de Louis Malle, Lacombe Lucien (1974).

Atelier de présentation de thèses des doctorants du CESPRA et de la formation doctorale Études politiques

Emmanuel Saint-Fuscien (LIER-FYT)
Elisabeth Dutartre-Michaut (CESPRA)

Compte rendu :

L’atelier de présentation de thèses – à destination des doctorants du CESPRA et de la formation doctorale Études politiques – a vocation à instituer un espace de rencontre entre doctorants et enseignants. Il permet aux doctorants qui exposent leur projet de thèse de bénéficier d’une opportunité de discuter leurs travaux et de se confronter à des points de vue extérieurs, toujours très stimulants.

Un discutant senior, généralement membre du CESPRA ou de la formation doctorale Études politiques, et un discutant junior, doctorant du CESPRA ou de la formation doctorale Études politiques, animent la discussion qui suit l’exposé du doctorant.

Le programme de l’année a montré encore une fois la richesse et la diversité des thèmes abordés : « Église catholique et conflit armé en Colombie (1990-2016) » ; « Du barrage au guichet. Naissance et transformation des mouvements de chômeurs en Argentine (1990-2015) » ; « Les postures de deuil dans l’Iran d’après-guerre » ; « Les politiques d’emploi des personnes handicapées : les cas britannique et étasunien » ; « La notion de personne en situation de handicap appliquée à l’autisme » ; « Temps de violence et espace littéraire (1900-1950). À partir d’André Suarès ».

L’atelier a été aussi le cadre de la présentation de deux vidéos réalisées par des doctorants du CESPRA dans le cadre du Plan pluriannuel de formation à l’audiovisuel mis en place par le centre, en collaboration avec la Direction de l’image et de l’audiovisuel :

- Présentation de l’interview de José Dario Rodriguez Cuadros réalisée par Garance Robert.

- Présentation de l’interview de Marie Assaf réalisée par Rui Pereira.

La guerre transmise... (XIXe-XXIe siècle)

Emmanuel Saint-Fuscien (LIER-FYT)
Stéphane Audoin-Rouzeau (CESPRA)

Compte rendu :

La première séance du séminaire a permis à Emmanuel Saint-Fuscien de définir le cadre d’expérience du séminaire en identifiant trois problèmes constituant autant d’obstacles à l’interlocution sciences sociales/sciences de la psyché : les mots ; les faits ; le temps. La suite de la séance a permis à Janine Altounian de présenter son livre à paraître, L’effacement des lieux. Autobiographie d’une analysante, héritière des survivants et traductrice de Freud, Paris, PUF, 2019, et d’entrer en discussion avec Anouche Kunth (chargée de recherche CRNS, IRIS) qui a présenté un aspect de ses recherches : « Dénuements dans l’après-coup du génocide des Arméniens ».

La séance suivante a permis d’entendre Hélène Dumas (chargée de recherche CNRS, IHTP) sur le thème « Récits d’enfances survivantes au Rwanda », qui constitue le cœur d’une recherche en cours tentant de se placer véritablement dans l’« œil » de l’enfance en 1994. La troisième séance a été consacrée à un autre génocide, avec deux doctorantes de l’EHESS (CESPRA) qui ont exposé leur travail : Adriana Escobar sur le thème : « Transmissions de la mémoire du régime khmer rouge : entre construction étatique et quête intime », et Sarah Privat Lozé sur le thème : « Cambodge 1975-1979. Une mémoire traversée. Dire et entendre l’expérience de la violence khmer rouge ». Puis Richard Rechtman, directeur d’études à l’EHESS (CESPRA) a présenté son travail de longue date avec les rescapés du génocide autour du thème : « Passage de la scène clinique à la scène anthropologique. »

La quatrième séance a permis d’écouter deux étudiants en master 2 (Histoire et Études politiques respectivement) de l’EHESS : Timothée Brunet sur « l’importance des lieux » (à propos de la topographie du génocide au Rwanda) et Ugo Pagani sur le cas du fasciste français Marcel Bucard, autour de la lecture que le fondateur du Francisme a faite de sa propre expérience de combat en 14-18. Puis Judith Lyon-Caen, directrice d’études, EHESS (CRH), est intervenue sur la question de la « prise d’écriture » des victimes et rescapé·e·s dans le contexte du génocide des Juifs polonais. Cette question a été de nouveau abordée lors de la séance suivante, à travers l’exposé de l’historien Jean-Yves Potel (« Destructions et transferts de populations. Conséquences mémorielles ? Pologne, Ukraine, 1942-1947 »), suivi par celui de l’analyste Malgorzata Maliszewska qui a proposé une « Réflexion sur le démenti généralisé par défaut de symbolisation en Pologne. »

C’est également un membre du séminaire, Marie Jauffret, historienne de l’art, qui lors de la séance suivante a présenté son travail sur la figure antique de Méduse, en tant que « Figure mythologique de la violence, entre fascination et frayeur ». Lors de cette même sixième séance, Olivier Saint-Hilaire, en année préparatoire de doctorat à l’EHESS et photographe de métier, a présenté son travail sur « Les obus non explosés de 14-18, objets de transmission de la guerre ? », tandis qu’Aya Khalil (master 2 Études politiques à l’EHESS) a présenté un exposé sur l’ouvrage du poète palestinien Mahmoud Darwich, Une mémoire pour l’oubli, Actes Sud, 1994.

La dernière séance a adopté le format d’une lecture croisée de l’ouvrage de Philippe Sands, Retour à Lemberg, Paris, Albin Michel, 2017. Trois exposants (dont les deux directeurs du séminaire) ont proposé une lecture de sciences sociales et d’histoire et trois autres une lecture adossée aux sciences de la psyché. Ces six exposés ont été suivis d’une discussion générale approfondie. La fécondité de ce mode de travail, reconnue par tous, conduira à réitérer l’expérience lors la prochaine année du séminaire.

2019-2020

Acteurs, institutions et interactions : ce que la guerre transforme

Emmanuel Saint-Fuscien (LIER-FYT)
Julien Blanc (LIER-FYT)

Présentation :

Les War Studies ont connu dans les trente dernières années un essor et un renouveau considérables, en intégrant notamment une perspective anthropologique. Au sein même de l’EHESS, des historiens se sont beaucoup interrogés sur les postures sociales spécifiques du temps de guerre : des notions et catégories comme le « penser double » ou le « consentement » ont ainsi émergé. Elles ont fait débat et continuent de faire débat bien au-delà des champs d’étude encore cloisonnés de la Première et Deuxième Guerre mondiale.

Notre séminaire part d’une question simple : la guerre change-t-elle quelque chose dans le rapport entre l’individu et son cadre d’expérience ? L’engagement dans la guerre et les formes de violence qui en découlent – particulièrement la possibilité de tuer ou d’être tué – entraînent-ils un bouleversement des rapports de domination, des hiérarchies sociales, des interactions et des embranchements qui s’offrent aux acteurs ? Provoquent-ils un élargissement des choix de trajectoires ou au contraire une contraction des possibles ? Enfin, peut-on établir une typologie de ces bouleversements en décloisonnant chaque expérience guerrière pour la confronter à d’autres ? En restant adossés aux historiographies de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, nous poursuivrons cette année en portant notre attention vers d'autres conflitmais toujours au regard de ce que la guerre change pour les acteurs en leurs institutions (famille, école, armée, entreprise, administration...).

Histoire et sociologie de l'éducation et des institutions scolaires

Emmanuel Saint-Fuscien (LIER-FYT)
Cyril Lemieux (LIER-FYT)
Séverine Chauvel (UPEC)

Présentation :

Ce séminaire - non ouvert à validation de crédits - se veut un espace de rencontre réservé aux étudiant·e·s travaillant sur les institutions scolaires et/ou l’éducation : M1, M2, doctorant·e·s ou postdoctorant·e·s de tous champs disciplinaires seront invités à présenter leurs terrains, leurs travaux, leurs lectures et les problèmes qu'ils·elles rencontrent. L’objectif est d’être utile à l’ensemble des jeunes chercheurs·ses abordant l’école, quelle que soient leur objet spécifique, leur démarche méthodologique, et l'aire culturelle et la période historique sur lesquelles ils travaillent. Il est aussi de  dessiner ensemble les bases d’un espace au sein de l’EHESS où l’histoire de l’éducation, la sociologie des mondes scolaires et l’ethnographie de l'école se croisent de façon largement décloisonnée, sans pour autant faire de l’institution ou des pratiques pédagogiques des isolats retranchés des situations historiques et sociales qui les produisent. Pour s'inscrire, les étudiant·e·s doivent faire parvenir aux enseignants un document d'une page maximum précisant leur sujet de recherche et leur intérêt pour le séminaire.

La guerre transmise… (XIXe-XXIe siècle)

Emmanuel Saint-Fuscien (LIER-FYT)
Stéphane Audoin-Rouzeau (CESPRA)

Présentation :

Ceux qui ont fait l’expérience de guerre n’ont cessé de l’affirmer : celle-ci ne serait pas communicable. Mais faut-il comprendre qu’une telle expérience ne puisse se transmettre ? Toutes les formes de témoignages, littéraires aussi bien qu’artistiques, ne cessent de le tenter. Les objets, les lieux, les gestes, et même les corps transmettent à leur tour. Quant au silence qui se referme sur tant de confrontations humaines avec le fait guerrier, il ne transmet pas moins. C’est sur cette notion de « guerre transmise » que le séminaire concentre ses travaux. Il prend la suite – mais sous une forme totalement différente – de celui qu’ont animé pendant plusieurs décennies Jean-Max Gaudillère et Françoise Davoine.

Le séminaire de Françoise Davoine et Jean-Max Gaudillière, rassemblant des chercheurs, des psychanalystes et des professionnels de l'éducation et du social autour du thème « Folie et lien social », abordait le champ du trauma dans son lien à la guerre et aux catastrophes de l'Histoire et du lien social. Nous questionnons donc les particularités de la mémoire traumatique, « une mémoire qui n'oublie pas », qui procède du « retranchement » d'événements psychiquement non inscrits. Nous nous proposons d'interroger les formes énigmatiques de transmissions de ces événements à travers les générations, en puisant toutes ces réflexions à l'aune de rencontres singulières dans les différents champs de nos pratiques. 

En interlocution avec les sciences de la psyché, le séminaire entend intégrer les sciences sociales à cette problématique de la transmission de la guerre, en l’élargissant à la question des sociétés : le deuil de masse, la « brutalisation » des ensembles sociaux par l’activité guerrière, la porosité entre la guerre et certaines pratiques sociales des sociétés pacifiées constitueront autant de pistes de travail possibles. De même, le rôle des sciences sociales au titre de vecteur de transmission de l’expérience guerrière pourra être analysé au titre d’un salutaire retour réflexif sur l’objet d’étude du séminaire.

2020-2021

Acteurs, institutions et interactions : ce que la guerre transforme

Emmanuel Saint-Fuscien (LIER-FYT)
Julien Blanc (LIER-FYT)

Compte rendu :

L’engagement dans la guerre et les formes de violence qui en découlent – particulièrement la possibilité de tuer ou d’être tué – entraînent-ils un bouleversement des rapports de domination, des hiérarchies sociales, des interactions et des embranchements qui s’offrent aux acteurs ? Provoquent-ils un élargissement des choix de trajectoires ou au contraire une contraction des possibles ? C’est cette question qui fut déclinée lors de la première séance introductive. Le 18 novembre, Emmanuel Saint-Fuscien est revenu sur les effets de la Grande Guerre sur les frontières sociales. La principale institution de socialisation après la famille en Europe, l’école, vécut des mutations en sortie de guerre qui renseignent sur des attentes sociales nationales différenciées. Ce fut l’objet de l’exposé d’Emma Papadacci (doctorante à Sciences-Po) proposant une comparaison entre les mondes scolaires français et britanniques des années 1920. La séance du 16 décembre fut consacrée à une lecture collective de plusieurs textes de l’historien allemand Alf Lüdtke au regard des problématiques abordées dans notre séminaire. Le 6 janvier 2021, Clémentine Vidal-Naquet (Université de Picardie Jules Verne) a présenté ce que la guerre faisait à l’institution du mariage et plus largement du couple. Le 20 janvier, Philipp Glahé (doctorant du PhD Track franco-allemand Université d’Heidelberg-EHESS) a montré comment le cercle des juristes de Heidelberg reconsidérait (ou non) les normes juridiques au regard de la question de l’amnistie des criminels nationaux-socialistes. Les deux séances suivantes furent consacrées aux conditions de travail et de recherche des étudiants par temps de pandémie, ainsi qu’à des discussions autour de leurs travaux respectifs. Ont présenté un exposé oral Oriane Tripier de Laubrière (Une armée qui se voulait moderne : les « seigneurs de la guerre » face aux transformations de la Chine) et Pol Henri Poiret (Le rôle des officiers de l’armée du Roi dans la mise en récit et la transmission de la guerre des Cévennes, 1702-1705). Julien Blanc a proposé le 3 mars un exposé sur les variations des représentations du genre dans les mouvements et réseaux de Résistance au cours de la Seconde Guerre mondiale tandis que l’historienne italienne Greta Fedele (Université de Bologne) s’est intéressée à la perception de la violence criminelle par la justice « transitionnelle » en Italie et en France de 1944 aux années 1950. La violence paroxystique répond aussi à des normes construites par les acteurs qui la produisent et l’institutionnalisent, l’adossant parfois à la notion de « modernité » : c’est un des enseignements défendus par Christian Ingrao (séance du 7 avril). Enfin, la dernière séance fut consacrée, une fois encore, aux institutions bouleversées par la guerre : familiales et professionnelles (industrie sidérurgique) à travers une représentation cinématographique classique du cinéma de guerre : The Deer Hunter de Michael Cimino (1978).

Histoire des guerres mondiales : une introduction

Emmanuel Saint-Fuscien (LIER-FYT)
Masha Cerovic (CERCEC)

Présentation :

Ce séminaire d’initiation à l’adresse des masterants a pour objectif de les introduire à l’historiographie plurielle et dynamique des guerres mondiales. Structuré autour de grandes questions transversales, abordées systématiquement au prisme des deux conflits et des différents théâtres de guerre, il mène aussi les participants à s’interroger sur les dynamiques de transformation, circulation, diffusion des pratiques et savoirs liés à la guerre, à travers le temps et les espaces. Au-delà d’une introduction aux profondes évolutions de l’histoire militaire à proprement parler, nous nous interrogerons sur la diversité des expériences de la guerre, notamment des violences de guerre, et sur les transformations liées aux guerres des institutions sociales. Le séminaire invite aussi à une réflexion plus globale sur certaines formes et dynamiques de la « modernité » et s’adresse généralement aux étudiants de master qui souhaitent réfléchir à l’histoire du premier vingtième siècle.

Le séminaire est basé sur la discussion de textes scientifiques et sources primaires. Un article ou chapitre, et des sources portant sur les deux guerres mondiales, seront proposés à la lecture à chaque séance. Les participants doivent rendre un court commentaire sur ces lectures pour chaque séance, qui sert de base à la discussion collective. L’ensemble de ces documents sera accessible sur moodle et des options pour tenir le séminaire à distance sont prévues en cas de nécessité. La discussion se tient en français, les textes à lire sont en français et en anglais.

Histoire et sociologie de l'éducation et des institutions scolaires

Emmanuel Saint-Fuscien (LIER-FYT)
Cyril Lemieux (LIER-FYT)
Séverine Chauvel (UPEC)

Présentation :

Ce séminaire – non ouvert à validation de crédits – se veut un espace de rencontre réservé aux étudiant·e·s travaillant sur les institutions scolaires et/ou l’éducation : M1, M2, doctorant·e·s ou postdoctorant·e·s de tous champs disciplinaires seront invités à présenter leurs terrains, leurs travaux, leurs lectures et les problèmes qu'ils·elles rencontrent. L’objectif est d’être utile à l’ensemble des jeunes chercheurs·ses abordant l’école, quelle que soient leur objet spécifique, leur démarche méthodologique, et l'aire culturelle et la période historique sur lesquelles ils travaillent. Il est aussi de  dessiner ensemble les bases d’un espace au sein de l’EHESS où l’histoire de l’éducation, la sociologie des mondes scolaires et l’ethnographie de l'école se croisent de façon largement décloisonnée, sans pour autant faire de l’institution ou des pratiques pédagogiques des isolats retranchés des situations historiques et sociales qui les produisent.

La guerre transmise...

Emmanuel Saint-Fuscien (LIER-FYT)
Stéphane Audoin-Rouzeau (CESPRA)

Compte rendu :

Le séminaire s’est tenu au cours de l’année entièrement en distantiel, par visioconférence. Sa première séance a permis de revenir sur la manière dont le fait guerrier avait « informé » le sens attribué, au cours des mois précédents, à la pandémie en cours : Stéphane Audoin-Rouzeau a présenté une contribution intitulée : « La pandémie de Covid 19 : guerres transmises et confinement ? », Emmanuel  Saint Fuscien une autre sous le titre : « Effraction, invention, reconfiguration en temps de pandémie », et Hélène Poyet une troisième : « Réflexions d’une psychanalyste ». La séance suivante a permis d’engager une discussion autour de deux ouvrages : Karima Lazali, Le trauma colonialUne enquête sur les effets psychiques et politiques contemporains de l’oppression coloniale en Algérie, (2019) avec comme discutants Hervé Mazurel (Université de Bourgogne) et la psychanalyste Pascale Hassoun ; Alain Corbin, Le village des cannibales, (1990), discuté par Stéphane Audoin-Rouzeau et Françoise Davoine. La troisième séance, qui portait pour titre « Au nom du père ? » a permis d’inviter Aleksander Edelman, fils de l’un des rares survivants de l’insurrection du ghetto de Varsovie,  autour du thème : « Pourquoi transmettre ? », et Claude de la Génardière a présenté pour sa part un témoignage personnel intitulé : « Sur fond d’histoire franco-algérienne, un père militaire et une fille devenue psychanalyste ». La séance suivante a été consacrée aux « objets qui transmettent ». Emmanuel Saint-Fuscien a introduit la séance sur le thème : « Les objets, l’histoire et la guerre »,  Ilan Lew, co-auteur avec Michel Borzykowski, de l’ouvrage Objets transmissionnels. Liens familiaux à la Shoah, Genève, (2019), a présenté un des objets transmis par sa propre famille (un porte-manteau issu du magasin de vêtements de Vienne), et Stéphane Audoin-Rouzeau un autre : un moutardier français de « propagande » datant de la Grande Guerre. Une cinquième séance a été consacrée à L’Iliade : Pierre Judet de la Combe a  traité le sujet : « Traduire, transmettre L’Iliade », son intervention étant ponctuée de la lecture de plusieurs extraits du texte par Josiane Achour, avant d’être discutée par Françoise Davoine. La séance suivante a été consacrée au sujet « Transmettre la Shoah à l’École », avec comme invité Iannis Roder, professeur dans un collège de Seine-Saint-Denis et auteur de l’ouvrage, Sortir de l’ère victimaire. Pour une nouvelle appproche de la Shoah et des crimes de masse, Paris, Odile Jacob, 2020, ; son intervention a été discutée par Marion Feldman et Emmanuel Saint-Fuscien. Enfin, la dernière séance a été consacrée au nazisme, autour du sujet « La mémoire, la nazisme et l’agir. Trois hommes en guerre : Werner Best, Oskar Dirlewanger, Max von Schenkendorff », traité par Christian Ingrao (CNRS-CESPRA) et discuté par Nicolas Patin (Université de Bordeaux-Montaigne).

2021-2022

Acteurs, institutions et interactions : ce que la guerre transforme

Emmanuel Saint-Fuscien (LIER-FYT)
Julien Blanc (LIER-FYT)

Compte rendu :

La séance d’introduction du mardi 9 novembre 2021 a rappelé la question centrale du séminaire : Dans quelles mesures la guerre et l’épreuve de la violence transforment-elles les institutions (famille, école, armée, hôpital, prison notamment) et les interactions entre ses membres ? En cette date anniversaire des accords d’Evian, un surcroît d’attention est porté cette année à la guerre d’Algérie (4 séances). 

Avant cela, deux premières séances sont consacrées d’abord aux effets des activités clandestines (Résistance intérieure) et combattantes (France libre) sur les frontières sociales et de genre (Julien Blanc, 23 novembre 2021) puis aux formes d’autorité et d’obéissance qui s’y déploient (Laurent Douzou, professeur émérite, Sciences Po-Lyon – 14 décembre 2021). Lors d’une quatrième séance Lydia Hadj-Ahmed (doctorante, Université de Nanterre) a présenté les points saillants d’une thèse toute proche d’être soutenue sur l’école en Algérie pendant la guerre d’indépendance (1954-1962) dont le sous-titre formulé en question synthétise parfaitement la problématique qui nous occupe : « L’école malgré la guerre, l’école grâce à la guerre ? ». La séance suivante, sous la forme d’un dialogue avec Nelly Forget, cheville ouvrière des Centres sociaux fondés en Algérie par Germaine Tillion, a porté sur la création d’une institution pendant le conflit. L’occasion aussi pour les étudiant-e-s d’entendre un témoin et de s’interroger sur l’usage du témoignage oral en histoire. 

Le 8 février 2022, Stéphane Audoin-Rouzeau (directeur d’études, EHESS), sous le titre « Trente ans après : retour réflexif sur la "thèse du consentement" », a accepté de revenir sur l’une des plus vives polémiques scientifiques autour de la Première Guerre mondiale et des sociétés en guerre opposant une certaine sociologie des dominations et une anthropologie culturelle attentive aux régimes de justification des acteurs. Le 22 février 2022, une séance de lecture collective a porté sur l’enquête de Raphaëlle Branche publiée en 2020 Papa, qu'as-tu fait en Algérie ? Enquête sur un silence familial. Au cœur de ces lectures croisées, la question de la profondeur et de la durée des effets des expériences de guerre sur les acteurs eux-mêmes, leurs familles et leurs descendants. Lors de la huitième séance (8 mars 2022), deux étudiant-e-s de Master 2 ont soumis leur recherche à la discussion : Laure Manoha (M2, Paris I) sur les prêtres prisonniers français en Allemagne lors de la Seconde Guerre mondiale et Michel Périllat (M2, EHESS) sur les trajectoires d’un groupe d’élèves-maîtres étudiants au sein du lycée Berthollet d’Annecy entre 1939 et 1945. Le 22 mars, Emmanuel Saint-Fuscien a proposé une lecture de l’Expérience concentrationnaire. Essai sur le maintien de l’identité sociale de Michael Pollak (1990) au regard des trois paradigmes déployés dans le séminaire (événement, invention, reconfiguration) pliés respectivement dans les trois derniers chapitres de ce classique (« Ruptures et séparation », « trouver sa voix », « retour à la fin ordinaire »). Le 12 avril 2022 Paul Marquis (docteur, Sciences Po Paris) est venu présenter l’approche historienne de sa thèse sur l’institution psychiatrique de Joinville : une histoire sociale de la psychiatrie dans l’Algérie coloniale (1933-1962). C’est à l’institution militaire qu’a été consacrée l’avant dernière séance du séminaire. Aude-Marie Lalanne Berdouticq (postdoctorante EHESS-LIER-FYT) s’est penchée sur la façon dont la modernité technique et sanitaire en temps de guerre créait une institution ex nihilo à travers l’institutionnalisation de la sélection médicale des pilotes de guerre en France- et au Royaume-Uni (1914-1934). Enfin la dernière séance dédiée à la question des acteurs et des institutions au cinéma a portée cette année sur les institutions politiques et combattantes au cours de la Guerre d’Espagne à travers le film Land and Freedom de Ken Loach (1995).

La guerre transmise...

Emmanuel Saint-Fuscien (LIER-FYT)
Stéphane Audoin-Rouzeau (CESPRA)

Compte rendu :

Après une introduction générale, la première séance du séminaire a été consacrée au thème « Enfances et guerres ». Emmanuel Saint-Fuscien a présenté une communication intitulée « La guerre transmise dans les classes lors de la crise des attentats de 2015 », puis une seconde partie de la séance, plus discursive, a été consacrée à un texte de Raoul Girardet, « L’ombre de la guerre », tiré de l’ouvrage de Pierre Nora, Essais d’ego-histoire(Paris Gallimard, 1987). La séance suivante s’est focalisée sur le thème « Femmes et guerres » : Violaine Baraduc, doctorante (EHESS), a présenté son travail sur « Les femmes tueuses du génocide des Tutsi rwandais », puis la seconde partie du séminaire a permis d’engager la discussion sur le personnage de Charlotte Von Wächter dans l’ouvrage de Philippe Sands, La filière (Paris, Albin Michel, 2020). La troisième séance (28 janvier) a été consacrée au rôle des pères : une première discussion s’est nouée autour de l’ouvrage de Raphaëlle Branche, « Papa, qu’as-tu fait en Algérie ? » Enquête sur un silence familial (Paris La Découverte, 2020), puis une seconde autour du témoignage de Niklas Frank, fils du Gauleiter de Pologne Hans Frank : Le père. Un règlement de comptes (Paris, Plein Jour, 2021). « Littérature et guerre transmise » a été le thème de la séance 4 : l’écrivain Jean Rouaud est intervenu sur cette question de la transmission de la guerre, avant d’être discuté notamment par Laurence Campa (professeure de littérature à l’Université de Paris-Nanterre) ; puis la discussion s’est engagée autour de trois de ses ouvrages : Les champs d’honneur (Paris, Éditions de Minuit, 1990), Un peu la guerre (Paris Grasset, 2014) et Qui terre a, guerre a (Paris, Grasset, 2022). La séance du 22 avril s’est centrée sur la question de l’enfance, de l’adolescence et de la guerre, avec une intervention de Manon Pignot (maîtresse de conférences, Université de Picardie) sur les « Ados-combattants du XXe siècle », et une autre de Martin Ruelle (doctorant, EHESS) sur « Les enfants du Sierra Leone en sortie de guerre ».

La dernière et sixième séance a permis la discussion du numéro 10 de la revue Sensibilités, paru fin 2021, dirigé par les deux directeurs du séminaire et portant le même titre que le séminaire lui-même : « La guerre transmise ». Stéphane Audoin-Rouzeau et Emmanuel Saint-Fuscien sont revenus sur leur éditorial, qui portait sur la mise en interlocution des sciences sociales et des disciplines de la psyché, puis le numéro a été discuté par plusieurs participants au séminaire, étudiants notamment.

2022-2023

Acteurs, institutions et interactions : ce que la guerre transforme

Emmanuel Saint-Fuscien (LIER-FYT)
Julien Blanc (LIER-FYT)

Présentation :

Notre séminaire part d’une question simple : la guerre change-t-elle quelque chose dans le rapport entre l’individu et son institution (armée mais aussi famille, école, administration, entreprise…) ? L’engagement dans la guerre et les formes de violence qui en découlent – particulièrement la possibilité de tuer ou d’être tué – entraînent-ils un bouleversement des rapports de domination, des hiérarchies sociales, des interactions et des embranchements qui s’offrent aux acteurs ? Provoquent-ils un élargissement des choix de trajectoires ou au contraire une contraction des possibles ? En restant adossés aux historiographies de la Première et de la Seconde Guerre mondiale tout en portant attention à d’autres conflits, nous poursuivons notre questionnement au regard de ce que la guerre change pour les acteurs en leurs institutions, en étant cette année particulièrement attentifs aux institutions de l’enfance et de l’adolescence.

Guerres mondiales : nouvelles historiographies

Emmanuel Saint-Fuscien (LIER-FYT)
Masha Cerovic (CERCEC)

Présentation :

Ce séminaire d’initiation à l’adresse des masterants a pour objectif de les introduire à l’historiographie plurielle et dynamique des guerres mondiales. Structuré autour de grandes questions transversales, abordées systématiquement au prisme des deux conflits et des différents théâtres de guerre, il mène aussi les participants à s’interroger sur les dynamiques de transformation, circulation, diffusion des pratiques et savoirs liés à la guerre, à travers le temps et les espaces. Au-delà d’une introduction aux profondes évolutions de l’histoire militaire à proprement parler, nous nous interrogerons sur la diversité des expériences de la guerre, notamment des violences de guerre, et sur les transformations liées aux guerres des institutions sociales. Le séminaire invite aussi à une réflexion plus globale sur certaines formes et dynamiques de la « modernité » et s’adresse généralement aux étudiants de master qui souhaitent réfléchir à l’histoire du premier XXe siècle.

Le séminaire est basé sur la discussion de textes scientifiques et sources primaires. Deux textes scientifiques, en français et en anglais, sont proposés à lecture à chaque séance. Les participants doivent rendre un court commentaire sur ces lectures, qui sert de base à la discussion collective. L’ensemble de ces documents sera accessible sur moodle. La présence et la participation active de tous sont indispensables.

La guerre transmise...

Emmanuel Saint-Fuscien (LIER-FYT)
Stéphane Audoin-Rouzeau (CESPRA)

Présentation :

Ceux qui ont fait l’expérience de guerre n’ont cessé de l’affirmer : celle-ci ne serait pas communicable. Mais faut-il comprendre qu’une telle expérience ne puisse se transmettre ? Toutes les formes de témoignages, littéraires aussi bien qu’artistiques, ne cessent de le tenter. Les objets, les lieux, les gestes, et même les corps transmettent à leur tour. Quant au silence qui se referme sur tant de confrontations humaines avec le fait guerrier, il ne transmet pas moins. C’est sur cette notion de « guerre transmise » que le séminaire concentre ses travaux. Il prend la suite – mais sous une forme totalement différente – de celui qu’ont animé pendant longtemps Jean-Max Gaudillère et Françoise Davoine.

Le séminaire de Françoise Davoine et Jean-Max Gaudillière, rassemblant des chercheurs, des psychanalystes et des professionnels de l'éducation et du social autour du thème "Folie et lien social", abordait le champ du trauma dans son lien à la guerre et aux catastrophes de l'Histoire et du lien social. Nous questionnons donc les particularités de la mémoire traumatique,  « une mémoire qui n'oublie pas », qui procède du « retranchement » d'événements psychiquement non inscrits. Nous nous proposons d' interroger les formes énigmatiques de transmissions de ces événements à travers les générations, en puisant toutes ces réflexions à l'aune de rencontres singulières dans les différents champs de nos pratiques. 

En interlocution avec les sciences de la psyché, le séminaire entend intégrer les sciences sociales à cette problématique de la transmission de la guerre, en l’élargissant à la question des sociétés : le deuil de masse, la « brutalisation » des ensembles sociaux par l’activité guerrière, la porosité entre la guerre et certaines pratiques sociales des sociétés pacifiées constitueront autant de pistes de travail possibles. De même, le rôle des sciences sociales au titre de vecteur de transmission de l’expérience guerrière pourra être analysé au titre d’un salutaire retour réflexif sur l’objet d’étude du séminaire.