Comptes rendus des séminaires - Bruno Karsenti

2018-2019

Les juifs et l'Europe. Théorie, histoire, politique

Bruno Karsenti (LIER-FYT)
Danny Trom (LIER-FYT)
Jacques Ehrenfreund (Université de Lausanne)

Présentation :

Les Juifs se sont compris comme un peuple persévérant dans la dispersion. Ils ont été, comme les a qualifié Max Weber, un peuple hôte en Europe. L’Europe à l’inverse s’est constituée avec la christianisation de l’Empire romain en s’envisageant comme un corps politico spirituel transcendant les peuples qui la constituaient. Le peuple hôte a été cependant aussi un agent actif dans la constitution de l’Europe. S’énoncent là deux façons de penser l’universalité.

L’histoire de l’Europe est essentiellement l’histoire d’une aventure politique dans laquelle se sont succédées, juxtaposées et imbriquées des formes variées. L’histoire des Juifs étant elle aussi une aventure politique, le séminaire visera à comprendre les modalités d’articulation, de composition, et d’opposition de ces trajectoires imbriquées et néanmoins hétérogènes.

Religion et politique au crible de la psychanalyse

Bruno Karsenti (LIER-FYT)
Julia Christ (LIER-FYT)

Présentation :

Depuis deux ans, ce séminaire étudie les formes prises dans la modernité par certains arguments religieux, sans les considérer a priori comme des obstacles, mais en les créditant de la capacité à infléchir, à impulser et à nourrir la réflexion normative à laquelle sont assignés les individus appartenant à des sociétés sécularisées. Le cadre d’analyse mis en place est celui de la comparaison des différents procès de laïcisation, c’est-à-dire de déliaison de la religion et du droit, actualisés dans les monothéismes, en suivant leur implication respective dans la fondation de la politique moderne. Il s’inscrit dans une démarche de philosophie des sciences sociales, c’est-à-dire puise dans la conceptualité propre à ce type de savoir les moyens d’aborder cette déliaison.

Cette année le séminaire s’attachera à croiser ce questionnement avec l’approche psychanalytique du même phénomène. Plus qu’aucune autre approche, la psychanalyse, en effet, met en avant le travail continu du religieux, dans sa forme monothéiste, dans la production du sujet moderne. On prêtera une attention particulière aux processus d’idéalisation qu’elle met au jour et à ce qu’ils peuvent révéler quant à la formation d’idéaux collectifs de justice absolutisés dans un contexte sécularisé.

Le corpus utilisé est de deux ordres : les œuvres d’analyses socio-politiques fondatrices de Freud (Totem et tabouPsychologie des massesL’homme Moïse) d’un côté, les actualisations de ce cadre dans la réflexion psychanalytique actuelle autour de la question de la radicalisation religieuse de l’autre.

La problématique du séminaire des années précédentes a abouti à la création du programme de recherche ReMouS (https://www.ehess.fr/fr/remous-religions-monoth%C3%A9istes-et-mouvements-sociaux-d%C3%A9mancipation). Le séminaire de cette année s’inscrit dans ce programme, et de ce fait se fera en étroite collaboration avec ses membres.

2019-2020

Socialisation et nationalisme

Bruno Karsenti (LIER-FYT)

Présentation :

Le séminaire de cette année poursuivra un triple but : analyser les conditions de l’institution sociale de l’individualité à l’époque moderne ; repérer les linéaments d’une sociologie adéquate des nationalismes; et identifier les difficultés auxquelles est confrontée depuis 45 la construction européenne en tant que formation socio-historique. On reprendra pour cela les analyses conduites l’an dernier sur certains textes et concepts freudiens, ainsi que leur usage en sociologie politique. Le fil conducteur sera cette année le livre de Norbert Elias, qui articule précisément les deux démarches: Les Allemands (tr.fr. Seuil, 2017). Les analyses d’Elias seront discutées en elles-mêmes, et à la lumière d’autres contributions sur les mêmes questions, qu’elles relèvent de textes classiques (Durkheim, Weber, Mannheim, Gellner, Habermas), ou d’interventions plus récentes sur la montée des nationalismes.

Les juifs et l'Europe. Théorie, histoire, politique

Bruno Karsenti (LIER-FYT)
Danny Trom (LIER-FYT)
Jacques Ehrenfreund (Université de Lausanne)

Présentation :

Les Juifs se sont compris comme un peuple persévérant dans la dispersion. Ils ont été, comme les a qualifié Max Weber, un peuple hôte en Europe. L’Europe à l’inverse s’est constituée avec la christianisation de l’Empire romain en s’envisageant comme un corps politico spirituel transcendant les peuples qui la constituaient. Le peuple hôte a été cependant aussi un agent actif dans la constitution de l’Europe. S’énoncent là deux façons de penser l’universalité.

L’histoire de l’Europe est essentiellement l’histoire d’une aventure politique dans laquelle se sont succédées, juxtaposées et imbriquées des formes variées. L’histoire des Juifs étant elle aussi une aventure politique, le séminaire visera à comprendre les modalités d’articulation, de composition, et d’opposition de ces trajectoires imbriquées et néanmoins hétérogènes.

Philosopher aujourd'hui

Bruno Karsenti (LIER-FYT)
Patrice Loraux (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)

Présentation :

On a la conviction que la philosophie ne peut pas tourner le dos à l'« aujourd'hui », d'autant qu'aujourd'hui n'a jamais été aussi insistant dans la prise en compte des formes de la vie symbolique : l'art aujourd'hui, la religion aujourd'hui, la technoscience aujourd'hui, etc. On aimerait se donner les ressources - sans doute formelles - pour proposer l'esquisse d'une configuration conceptuelle de notre « aujourd'hui », bref une épure capable d'ajuster les composantes revendiquées par l'aujourd'hui, en somme quelque chose de plus élaboré qu'un tableau seulement médiatique, tout cela pour se demander ce que devient, dans ce cadre, un exercice qu'on ne jugerait pas illégitime d'appeler « philosopher ». Encore faut-il s'assurer que philosopher est un verbe qui qualifie une activité réelle, distincte etspécifique et pas seulement la surnomination amplifiante d'une démarche théorique en général. Sans doute serait-il vain et ridicule de révoquer - de fait verbalement - la tradition dite philosophique, mais néanmoins on juge qu'il n'est pas davantage suffisant de réactiver telle grande doctrine classique et même contemporaine pour être quitte avec l'exigence philosophique dont chacun peut s'estimer porteur. Ainsi comment cette dernière est-elle toujours vivace dans son authenticité comme dans son actualité ? La philosophie ne peut pas être qu'une formation académique ni qu'une tentative de surmontement conceptuel d'une crise historique. C'est à la charge de celui qui s'engage dans une démarche qu'il juge légitime d'appeler philosophie de prendre sur lui l'ajointement ou le désajustement d'un philosophique suffisamment étayé avec un « aujourd'hui » qui fait prévaloir, à l'excès, l'actuel.

2020-2021

Socialisation et nationalisme. 2

Bruno Karsenti (LIER-FYT)

Compte rendu :

Le séminaire s’est intégralement déroulé à distance. Dans les premières séances, nous avons conduit une analyse de la montée continue des nationalismes en Europe à partir des années 1990. Cette séquence nous a paru marquée par des bouleversements majeurs qui ont remis en cause les cadres dans lesquels se pensait traditionnellement la nation moderne, hérités du XIXe siècle et valides tout au long du XXe siècle. Que l’on pense à la laïcité inhérente au principe d’auto-législation non-dogmatique, à la citoyenneté à vocation universaliste, ou encore à l’inscription des nations dans un horizon politique commun, c’est aujourd’hui chacun de ces traits qui se trouve soit relativisé, soit récusé, ce qui incite à lire l’actualité comme celle de néonationalismes émergents dont la structure idéologique reste à décrire.

Pour y parvenir, nous avons suivi une méthode socio-historique inspirée de l’approche de Norbert Elias. Nous sommes repartis du trièdre européen sur lequel le sociologue avait focalisé son attention (France, Allemagne, Angleterre), en nous concentrant sur le type de rapport entre couches sociales et sur l’évolution de la politique interne et externe qui conditionne l’apparition des nations modernes. Cela nous a conduits à clarifier le concept classique de nation comme « société de classes » distincte d’une « société d’ordres », mais aussi à identifier les contradictions qui ne cessent de traverser ce niveau d’intégration sociale et politique.

À cette étape du séminaire, nous avons révisé la première définition de la nation, reprise de la philosophie politique moderne, que nous nous étions donnée. Nous l’avons soumise au crible de la philosophie des sciences sociales. L’attention s’est portée sur les processus de nationalisation qui ont traversé l’Europe, et qui ont consisté d’abord en une certaine transformation des rapports de classes. Le rôle crucial, en chaque nation, joué par une classe-pivot qui s’avère porteuse des idéaux égalitaires et universalistes, mais qui se trouve aussi soumise à des pressions variables venant des classes supérieures comme des classes inférieures, a été fortement souligné. Dans chaque situation, cette double pression est traitée de manière singulière et produit des tendances politiques spécifiques. Ces processus de nationalisation différents, nous les avons analysés ensuite selon les critères de la démocratisation et de l’individualisation des rapports sociaux, mais aussi du rééquilibrage entre la politique intérieure des États et leur politique extérieure.
Sur cette base, le portrait de l’Europe dans la période 1870-1914 a pu être tracé, avec ses dérives et ses écueils. Nous avons prêté une attention particulière à l’entre-deux-guerres et à la montée du nazisme en Allemagne, prélude à ce que Elias a qualifié d’effondrement européen. Puis, dans la dernière partie du séminaire, nous avons abordé la période de la construction idéologique et institutionnelle de l’Europe d’après 1945, sans perdre de vue l’axe des processus de nationalisation, dont la nouvelle impulsion était puisée cette fois dans une convergence et une coopération mieux assumée entre les États. C’est sous cet angle que nous avons abordé les conditions d’émergence des néonationalismes, comme un essoufflement de cette lancée, lié à l’incapacité de l’Europe à jouer le rôle exemplaire de passage d’un niveau d’intégration stato-nationale à une configuration sociale et politique d’un nouveau type. Nous avons conclu le séminaire en revenant sur le diagnostic du présent, et en décrivant en termes de philosophie des sciences sociales ce que nous avions qualifié au départ de néonationalismes.

Lors de la séance du jeudi 25 mars, nous avons accueilli le professeur Martin Saar de l’Université de Francfort, qui a présenté un exposé sur « La philosophie sociale comme théorie critique ». Cette séance nous a permis de clarifier la portée politique de notre approche en la confrontant à l’un des courants majeurs de la pensée contemporaine.

2021-2022

Socialisation et nationalisation en Europe. XIXe-XXIe siècle

Bruno Karsenti (LIER-FYT)

Compte rendu :

Le séminaire de cette année a poursuivi l’enquête socio-historique sur les transformations des nationalismes entre la fin du XIXe siècle et l’époque présente. Dans une introduction, nous avons posé le problème politique soulevé par ce courant idéologique, en reprenant les analyses de l’an passé, à partir des œuvres de Durkheim, de Marcel Mauss et de Norbert Elias. À partir des deux derniers auteurs, nous l’avons situé dans une histoire de la construction de l’Europe au cours de la période. Tandis qu’Elias met l’accent, dans sa sociogenèse de l’État comme dans celle qu’il esquisse de la nation moderne, sur le trièdre France-Allemagne-Angleterre, le schéma proposé par Mauss est plus englobant, notamment par la prise en compte des configurations nées après la révolution russe et l’effondrement de l’Empire austro-hongrois. Nous avons souligné que la situation présente exige, pour comprendre les formes nouvelles de nationalisme qui émergent en Europe, de se déplacer d’Ouest en Est, et de se départir d’une vision interprétative qui puise exclusivement ses catégories dans les États-nations précoces de l’Europe occidentale. À rebours, nous avons alors cherché un ancrage théorique fiable afin de reposer le problème des liens entre État et nation, et de l’homogénéisation culturelle et politique requise par la nation moderne, de sorte à ressaisir les formes de nationalismes qui s’expriment aujourd’hui surtout à l’Est, sur les ruines de l’Empire soviétique. C’est la raison pour laquelle nous avons privilégié l'austro-marxisme, et notamment la problématique d’Otto Bauer sur les nationalités, développée entre 1906 et 1924, à une période par conséquent charnière. Guillaume Fondu, postdoctorant au CERCEC, chercheur associé au LIER-FYT et éditeur d’une partie des œuvres de Bauer en français, nous a présenté son grand ouvrage, La question des nationalités, le contexte intellectuel et politique dans lequel il prend place ainsi que l’état de la discussion marxiste dans laquelle il intervient. Puis, nous avons mené une exégèse de ce livre, en nous attachant à chacun des termes de la définition de la nation comme « communauté de caractère issue d’une communauté de destin », et en soulignant la dénaturalisation historique et sociologique qui s’y produit, en un sens qui n’est cependant pas assimilable à celui qui s’accomplit au même moment en France sous l’impulsion du durkheimisme. La place que prend, dans cette construction, l’élément fondamental de la langue, et les problèmes que posent ses variations socio-historiques à une conception véritablement socialiste de la nation - telle que Bauer aussi bien que Mauss entendent la promouvoir -, a été étudié lors d’une séance en collaboration avec Michel de Fornel, linguiste et chercheur au LIER-FYT. Puis, notre lecture s’est orientée sur les conflits de nationalités envisagés dans leurs relations aux conflits de classes. Nous avons montré comment elles permettent de reprendre à la racine et d’éclairer la discussion actuelle sur l’alternative entre race et classe du point de vue des sciences sociales, discussion qui s’avère justement bloquée en raison de la négligence partagée par les différents protagonistes du problème proprement national et de son évolution au cours des dernières décennies.

Deux séances plus méthodologiques se sont tenues au cours de l’année. Nous avons accueilli Daniel Sazbon, professeur à Buenos-Aires, qui a présenté un exposé sur Durkheim et le pragmatisme, et les enjeux politiques de cette confrontation au début de la première guerre mondiale. Enfin, le professeur Martin Saar de l’Université de Francfort nous a présenté l’approche qu’il est en train d'élaborer en philosophie sociale sur les modes de la subjectivation politique, à partir d’un renouvellement du paradigme de l’école de Francfort, du spinozisme et du post-marxisme.

Les Juifs et l'Europe IV. Théorie, histoire, politique

Bruno Karsenti (LIER-FYT)
Julia Christ (LIER-FYT)
Danny Trom (LIER-FYT)
Jacques Ehrenfreund (Université de Lausanne)

Présentation :

Les Juifs se sont compris comme un peuple persévérant dans la dispersion. Ils ont été, comme les a qualifié Max Weber, un peuple hôte en Europe. L’Europe à l’inverse s’est constituée avec la christianisation de l’Empire romain en s’envisageant comme un corps politico spirituel transcendant les peuples qui la constituaient. Le peuple hôte a été cependant aussi un agent actif dans la constitution de l’Europe. S’énoncent là deux façons de penser l’universalité.

L’histoire de l’Europe est essentiellement l’histoire d’une aventure politique dans laquelle se sont succédées, juxtaposées et imbriquées des formes variées. L’histoire des Juifs étant elle aussi une aventure politique, le séminaire visera à comprendre les modalités d’articulation, de composition, et d’opposition de ces trajectoires imbriquées et néanmoins hétérogènes.

2022-2023

Atelier des philosophes du LIER-FYT

Bruno Karsenti (LIER-FYT)
Pierre-Henri Castel (LIER-FYT)
Julia Christ (LIER-FYT)
Nathan Cazeneuve (LIER-FYT)

Présentation :

L'atelier des philosophes et l'espace de rencontre institutionnelle régulier des philosophes du Lier -FYT : titulaires, associées et associés, personnes invitées par l’équipe, post-doctorantes et post-doctorants, doctorantes et doctorants. Il est destiné à discuter collectivement, en fonction des propositions de ses membres, tous les travaux en cours (du chapitre de thèse ou d’habilitation au manuscrit de livre en préparation). L'atelier est ouvert à des personnes extérieures au centre à condition de s'inscrire auprès Pierre-Henri Castel (pierre-henri.castel@outlook.fr).

Les Juifs et l'Europe V

Bruno Karsenti (LIER-FYT)
Julia Christ (LIER-FYT)
Danny Trom (LIER-FYT)

Présentation :

Les Juifs se sont compris comme un peuple persévérant dans la dispersion. Ils ont été, comme les a qualifiés Max Weber, un peuple hôte en Europe. L’Europe à l’inverse s’est constituée avec la christianisation de l’Empire romain en s’envisageant comme un corps politico spirituel transcendant les peuples qui la constituaient. Le peuple hôte a été cependant aussi un agent actif dans la constitution de l’Europe. S’énoncent là deux façons de penser l’universalité.

L’histoire de l’Europe est essentiellement l’histoire d’une aventure politique dans laquelle se sont succédées, juxtaposées et imbriquées des formes variées. L’histoire des Juifs étant elle aussi une aventure politique, le séminaire visera à comprendre les modalités d’articulation, de composition, et d’opposition de ces trajectoires imbriquées et néanmoins hétérogènes.

Socialisation et nationalisation. La question des identités

Bruno Karsenti (LIER-FYT)

Présentation :

Nous poursuivons dans ce séminaire la réflexion menée sur les processus sociaux de nationalisation et les formes prises par les nationalismes dans l'Europe moderne. Le but est d'ouvrir une perspective comparative et généalogique qui nous permette de saisir les caractères propres aux nationalismes contemporains et les enjeux politiques inédits qu'ils soulèvent.

L'approche adoptée est celle de la philosophie des sciences sociales. On s'appuie essentiellement sur un corpus sociologique et historique, pour dégager les concepts politiques à l'œuvre et leurs transformations. Cette année, en reprenant les conclusions de notre lecture développée l’an dernier de l’austromarxisme et de l’ouvrage classique d’Otto Bauer sur la question des nationalités, on abordera le problème contemporain des identités nationales et de ce qu’on nomme, dans le débat public, l’identitarisme.